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Memento (fiches)

Le salaire différé du descendant de l'exploitant

21/06/2016

Le descendant qui a participé à la mise en valeur de l’exploitation d’un ascendant sans aucune contrepartie (sinon les avantages découlant de la communauté de vie) a droit, au décès de l'exploitant, à une somme d’argent appelée « salaire différé ».

Ce salaire différé s'ajoute à sa part dans la succession de son ascendant.

L’objectif de ce mécanisme est de rétablir un équilibre entre le descendant qui a participé à l’exploitation sans être rémunéré et les autres.

Le droit du travail n’est pas applicable au contrat de salaire différé.

Les articles L 323-13 et suivants du code rural définissent les conditions du salaire différé et son montant. Les éléments ci-dessous ne sont pas exhaustifs.


Bénéficiaires du salaire différé

Peuvent bénéficier du salaire différé :

  • Le descendant (fils, fille, petit-fils, petite-fille…) de l’exploitant ;
  • Le conjoint du descendant qui participe également à l’exploitation (L321-15).

Lorsque le descendant et son conjoint participent à l’exploitation, chacun d’eux a droit à un salaire différé s’ils en remplissent les conditions. Si le descendant de l’exploitant ne bénéficie pas du salaire différé, son conjoint ne pourra pas en bénéficier, même s’il remplit les conditions. En cas de divorce ou de séparation de corps prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui n'est pas le descendant de l'exploitant, cet époux perd le bénéfice du salaire différé.

Cette « extension » du salaire différé est réservée au conjoint et n’est pas ouverte au partenaire pacsé ou concubin.

Un salaire différé est prévu au profit du conjoint d’un chef d’exploitation qui a participé directement et effectivement à l'activité de l'exploitation pendant au moins dix années, sans recevoir de salaire ni être associé aux bénéfices et aux pertes de celle-ci (L 321-21-1). Ce droit n’est pas abordé dans ce document.


Conditions de l’existence du salaire différé

En cas d'exploitation agricole au sein d’une société, le descendant d'un associé qui participe aux travaux agricoles sans recevoir de rémunération ne peut pas bénéficier d’un salaire différé. En effet, l'ascendant associé n'a pas la qualité d'exploitant.

Par exception, par application du principe de transparence, le descendant d’un associé d’un GAEC pourrait, certainement, bénéficier d’un salaire différé s’il remplit les conditions.

Le bénéficiaire doit avoir été âgé de plus de 18 ans lors de sa participation.

Il doit avoir participé directement et effectivement à l'exploitation. La participation doit avoir été habituelle. Une participation occasionnelle ne suffit pas.

La preuve de la participation à l'exploitation agricole peut être apportée par tous moyens (témoignages, documents administratifs,…).

Pour faciliter la preuve de la participation, le descendant et l’ascendant peuvent effectuer chaque année en mairie une déclaration qui sera visée par le maire qui en donnera récépissé (L321-19).

Le bénéficiaire ne doit pas avoir été associé aux bénéfices ni aux pertes et ne pas avoir reçu de salaire en argent en contrepartie de sa collaboration (L 323-13). La Cour de cassation a jugé que la simple remise d'argent de poche et les avantages inhérents à la communauté de vie (logement, nourriture, etc.) ne sont pas pris en considération.

Il a été jugé que la seule inscription à la MSA en tant qu’aide familial ne suffit pas pour établir une participation directe, effective et gratuite à l'exploitation familiale  (décision de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation le 13/04/2016).


Calcul du montant du salaire différé

Le bénéficiaire a droit pour chaque année de participation à partir de 18 ans et dans la limite de 10 années à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du SMIC horaire. Le SMIC horaire à prendre en compte est celui en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant (L321-13).

Selon la jurisprudence, une activité partielle sur l'exploitation, le descendant ne travaillant par exemple que l'après-midi, n'ouvre droit qu'à une créance de salaire partielle. La rémunération doit être proportionnelle au temps consacré à l'exploitation familiale.

Le salaire différé est exigible par le bénéficiaire au décès de l’ascendant exploitant. Mais, l’ascendant peut le verser de son vivant au bénéficiaire.

A défaut d’accord amiable entre cohéritiers, le bénéficiaire du salaire différé a 5 ans à compter de l’ouverture de la succession de l’exploitant pour saisir  un tribunal et faire reconnaître sa créance de salaire différé (article 2224 code civil).


Delphine GAVEND,
Juriste et formatrice


Sources : articles L 321-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime